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Katerina Plotnikova |
LE LIVRE / Après le temps du féminisme, mouvement social
dont Annick de Souzenelle note à la fois la nécessité historique et les
limites, et après le temps d'une féminité artificielle exploitée par la
publicité, l'heure est venue d'explorer le sens du féminin. A partir d'une
lecture du texte biblique en hébreu, l'auteur du Symbolisme du corps humain nous
introduit dans cette dimension essentielle. Scrutant la Genèse, elle s'inscrit
en faux contre l'image d'une Eve « sortie de la côte d'Adam », pour mettre en
évidence Isha, « l'autre côté d'Adam », la réalité féminine présente en chacune
de nous. Elle réinterprète ensuite d'autres grandes figures de la Bible -
Marie, Marie-Madeleine, Lot ou Lazare - pour les replacer dans une perspective
mystique dans laquelle l'âme de l'homme est une « fiancée » promise aux noces
divines. -4ème de couverture- (date de publication : 15 octobre 2006)
Extrait d’un entretien d’Annick de Souzenelle – auteur
du livre Le Féminin de l’être – avec la comédienne Juliette
Binoche. Entretien paru dans Libération.
« A. de S. : Je me suis posée la question des
lieux du corps dans les textes bibliques. Pourquoi est-ce le talon d’Eve qui
est blessé ? Pourquoi la hanche de Jacob ? Pourquoi les cheveux de Samson ?
Etc. Quand j’ai été capable de lire le texte en hébreu, j’ai compris que tous
ces mots du corps étaient chargés de sens, signifiant autre chose que ce qu’en
a consigné et figé la traduction qu’on nous donne. C’est en défrichant à la
lettre, les lieux du corps que j’ai abordé le problème le plus important dans
la Bible : la question du masculin et du féminin.
Le mot mâle, en hébreu, c’est le verbe «se souvenir», et
n’importe quel être, qu’il soit un homme ou une femme, porte en lui cette
capacité à se souvenir. Le mot femelle en hébreu, c’est, d’une façon très crue,
«un trou». Mais un trou qui est un abîme sans fond, c’est-à-dire toute la
transcendance de l’être. En même temps, c’est le mot qui veut dire aussi «le
blasphème» : si je m’arrête à un moment donné dans cette expérience de l’abîme,
et que je la fige en une signification idolâtre, alors je blasphème. Il faut
donc que j’aille toujours plus loin en moi, toujours plus loin…
J. B. : Ne pas s’arrêter, jamais…
A. de S. : Le féminin porte dans sa définition
biblique cette fonction spirituelle intense, continue, intrépide, et cela n’est
pas du tout passé dans les traductions de la Bible des Septantes, celles qui
ont servi de base aux catholiques. Tout être humain est appelé à aller
vers lui-même, à descendre dans ce «trou» : il fait à la fois œuvre mâle (il se
souvient) et œuvre femelle (il s’ouvre à lui-même), ce qui réconcilie ce qui a
toujours été séparé. Il nous faut épouser tous les éléments qui sont dans
cet abîme et restent des énergies inaccomplies. Car nous sommes tous enceints
du divin. »
« J. B. : J’ai souvent l’impression, en vous
entendant, d’avoir fait l’expérience physique de ce que vous décrivez comme une
expérience spirituelle. Il y a eu mes cauchemars de petite fille, mais aussi,
par exemple, une expérience physique du trou. Il y a quelques années, j’ai
voulu visiter la grotte de Marie-Madeleine, à la Sainte-Baume. Elle était
fermée pour travaux, alors je suis allée dans une autre, à un quart d’heure de
marche, la «grotte aux œufs». Il fallait d’abord traverser une forêt d’ifs, de
hêtres et de chênes, trois heures de marche extraordinaires. Puis, face à la
grotte, qui est comme un sexe féminin, une quinzaine de mètres de hauteur, une
fente dans la roche, je me suis mise à rire et à pleurer en même temps. C’était
insoutenable, de peur et de joie, d’être face à un tel abîme. Même avec une
lampe de poche, je ne pouvais plus avancer, je n’arrivais pas à descendre. Mais
j’avais écrit une lettre, importante pour moi, que je voulais placer au fond.
C’était un vœu. Petit à petit, je suis descendue. Arrivée en bas, je me suis
sentie extrêmement bien, comme dans l’utérus de la terre. J’ai déposé ma
lettre avec joie, c’était une libération.
A. de S. : Cette plongée dans le sexe de la terre fut
votre expérience du «trou» mystique. C’est beau, émouvant, le signe que
vous pouvez aller loin dans votre vie intérieure. C’est au plus loin possible
qu’existe le noyau divin qui nous donne vie. »
site web d’Annick de Souzenelle : souzenelle.free.fr
Encore merci à Françoise...