Christian
Bobin : Tout
est une question d’air et de respiration.
C’est l’encombrement qui nous rend
malhabile, et qui nous fait parfois, suffoquer.
On
a besoin de connaître des choses telles que l’ennui, le manque, l’absence, pour
connaître la présence, la joie et l’attention pure.
On
a besoin d’une chose pour aller vers une autre.
Par
exemple, j’aime beaucoup les livres, mais j’ai remarqué que je trouvais les
plus intéressants dans les toutes petites librairies perdues, qui n’en vendent
que très peu ; comme si c’était là que certains livres m’attendaient depuis
très longtemps.
Alors
que je ne les aurais pas vus dans un grand étalage, parmi mille autres choses.
Cette pensée va dans le sens exactement inverse de celui qui a créé Internet.
À
la racine d’Internet, il y a le désir qu’on ait tout, tout de suite. Que
surtout nul ne souffre plus d’un manque. Or, je pense que c’est une souffrance
que d’avoir tout à sa disposition, sans intervalles. On devient soi-même comme
une chose au milieu des choses. Alors qu’on a besoin que certaines vitres de la
maison soient cassées. Et que le vent entre ! Besoin de certains défauts, de
certains manques, de certaines brisures, pour pouvoir respirer.