9 01 Tout m’amène à vivre au jour le jour et la neige de ce matin vient comme un tapis à l’image de ce désir de prendre les choses une par une avec patience. Cette image impacte fortement le mental puisque ce genre de phénomène naturel n’arrive que rarement ici. La dernière fois, c’était au moment de mon déménagement, comme pour marquer l’envie de recommencer à zéro.
Les infos du moment qui remontent à la surface le problème de l’inceste n’a pas suscité de réaction violente. Je me suis dit que c’était une bonne chose que le sujet soit enfin abordé parce que c’est un phénomène qui touche une grande partie des gens de ma génération. Le fameux « interdit d’interdire », l’usage massif de drogues, le manifeste encourageant la pédophilie et l’inceste signés par les intellos du moment mais qui continuent de parader dans les médias, la soi-disant liberté sexuelle qui n’est autre que l’expression la plus vile des rapports de prédation et de domination entre enfants et adultes, tout cela porte aujourd’hui ces fruits.
Il n’est pas étonnant de constater le conflit de génération de plus en plus violent, le cynisme ambiant tout comme le nihilisme qui se répand davantage lorsqu’on fait l’état des lieux de la planète et le ressentiment envers la génération passée qui s’exprime avec violence dans les mouvements écolos, bobos soi-disant de gauche.
Le besoin de réparation est puissant mais ça n’est pas dans la justice humaine qu’il peut s’obtenir même si poser les choses clairement est essentiel. En effet, aucune sanction, aucune indemnité si conséquente soit-elle ne peut effacer les abus sexuels.
Malheureusement et heureusement, ça n’est qu’en cultivant l’amour pour Tout ce que nous sommes que c’est possible de guérir de blessures si douloureuses et handicapantes.
C’est tout un processus qui passe tout comme l’éveil, par différents stades de compréhension et de détachement, par des prises de conscience qui émergent de la vision élargie qu’offre la conscience qui observe sans juger.
Alors oui c’est éprouvant mais que veut-on, rester la victime impuissante toute sa vie ou apprendre à élargir sa vision afin d’avoir une vue d’ensemble pour pouvoir faire de ce trauma, un initiateur, une occasion de guérir en profondeur et en même temps parvenir à la paix, l’unité intérieures ?
La vie, le temps, nous offrent une vision et un recul à travers la notion de linéarité qui amènent à comprendre, à savoir intimement qui nous sommes en observant et en lâchant ce que nous ne sommes pas. Ainsi, la vision binaire qui nous enfermait aussi dans les rôles de victime, bourreau, sauveur, nous révèle notre vraie nature par contraste, par le dépouillement des croyances et conditionnements.
Il ne s’agit pas de faire table rase du passé mais d’apprendre à accueillir ce qui émerge en soi pour mieux se connaître, s’aimer et cocréer en conscience. On a tendance à vouloir juger le passé, ses acteurs, sans se rendre compte que tout n’est pas voué aux poubelles, qu’il y a des valeurs communes à préserver et par-dessus tout qu’on ne peut changer en niant ce qu’on porte de douloureux.
C’est ce que fait le système de survie par le refoulement émotionnel mais ça ne résout rien, c’est une façon de rester en vie, de vivre par procuration au travers des jeux de rôle mais ça ne nous guérit pas. Pas plus que le fait de voir son bourreau emprisonné cependant, une étape essentielle pour l’enfant abusé, c’est de dire la vérité, de sortir du silence écrasant, de la culpabilité, en osant confier à quelqu’un ce qui s’est réellement passé.
Les blessures de trahison, d’injustice et de rejet vont conditionner la façon de penser et d’agir mais la quête du coupable ne permet pas de les guérir parce qu’en plus lorsqu’on a été traité en objet, on aura tendance à se venger sur soi-même en rejetant le corps physique. Puis quand on prend conscience du divin en soi, de cet observateur neutre, de l’espace de paix profonde en soi, on aura tendance à reporter l’accusation sur le mental et l’inconscient. Sans se rendre compte que le véritable problème est la lutte envers soi-même, envers un des aspects intérieurs parce que jugé comme inférieur, trop sensible, vulnérable.
Le besoin de réparation devient vite le désir de vengeance et ça va même jusqu’à enfermer toute une génération dans les epads pour les punir! Souvent quand j’entends des gens en accuser d’autres avec véhémence, je me dis que ça cache un vieux conflit non résolu, un enfermement lié au refoulement émotionnel et de l’incapacité à dire ses quatre vérité directement au parent incriminé parce que cela plonge l’individu dans un paradoxe insoluble. Un déchirement de l’enfant en soi partagé entre l’amour inconditionnel qu’il éprouve envers ses parents et le besoin de justice, de rendre la culpabilité à l’agresseur.
Puis comme cet enfant se sent comme un objet, il ne pense pas mériter le respect et n’envisage pas non plus de porter plainte puisqu’il deviendrait celui qui met en avant son besoin d’équilibre au détriment de celui de toute la famille. Puis dernier obstacle et non des moindres, celui du positionnement de la justice qui est loin d’être clair et juste. Entre la nécessité de démontrer qu’on n’était pas consentant et l’impunité des violeurs quasi systématique, la victime qui déjà se méfie du monde des adultes ne va pas se jeter dans la gueule du loup.
C’est toute la structure familiale qui est remise en cause ici. La toute puissance des adultes de fait sur les enfants qui depuis des siècles sont traités en objet, en esclaves, en main d’œuvre gratuite, en garant des besoins tant affectifs que matériels…ramène à l’idée que c’est le système de prédation qui est à remettre en question. La théorie évolutionniste de Darwin pose les bases des déviances et abus de pouvoir où la loi du plus fort prime encore parce qu’on hiérarchise, on considère le corps et l’animal en soi, l’intuition, l’instinct, comme des aspects inférieurs au mental, à la faculté de raisonner.
Celui qui manipule psychologiquement ou physiquement est considéré comme un être supérieur consciemment ou non. On admire les individus qui sortent du rang, on les jalouse et on veut les imiter parce qu’on pense que le pouvoir est synonyme de domination. On associe le pouvoir de séduction à une sorte de supériorité sur les masses alors qu’il s’agit de manipulation.
Le fait que ce thème de l’inceste fasse enfin débat, est à mon sens l’effet de l’éveil des consciences ou la sortie du cauchemar via la mémoire traumatique qui est fortement stimulée par toutes les injustices du monde que la toile met à jour.
Percevoir les choses de l’intérieur en se rappelant que la dualité est une forme de chemin initiatique qui nous amène à chercher l’équilibre, la stabilité psycho-émotionnelle, à prendre conscience de l’importance de tout ce qui nous compose, à définir nos propres valeurs, ramène à la souveraineté ou permet de devenir sa propre autorité
La phase de dépouillement des croyances et conditionnements laisse le mental confus et frustré et en écoutant ce qu’il transmet, que ce soit la voix de l’enfant en soi, celle de l’inconscient qui se révèle directement maintenant, celle de l’amour, de la peur…en ayant ce positionnement d’observateur neutre, la conscience de qui je suis véritablement émerge naturellement par ce face à face intime et sincère.
Évidemment, le rôle du mental dans une situation où l’enfant en soi est en souffrance, c’est celui de le protéger tout comme l’inconscient qui m’apparaît de plus en plus comme le partenaire de l’âme voire comme étant l’âme.
Plus j’observe ce qui se passe en moi et plus je vois la cohérence et l’interdépendance entre tous les systèmes. L’inconscient est un protecteur qui est apparu sous les traits d’un dragon dans cette ouverture sans jugements. C’est clair que sans ses programmes, le corps physique serait mort dès la première agression ou au moins, le mental aurait sombré dans la folie. Quelques souvenirs reviennent où l’enfant que j’étais essayait de raisonner mon père ou au moins de l’interroger sur ces actes et leur légitimité.
Savoir que l’enfant que j’étais s’est défendue, s’est opposée, mentalement mais aussi physiquement au travers de cris, à ces agressions, a changé ma vision de l’enfant intérieur. Et en même temps que celle de l’inconscient, ces représentations qui ne sont plus systématiquement rangées dans la case négative, tout ce que le système de survie a contenu, retenu et préservé peut maintenant être observé sans crainte.
Il ne s’agit pas non plus de cautionner ces réactions primaires de leur donner du crédit pas plus que les actes criminels mais plutôt de remettre de l’ordre en soi, de continuer de cultiver l’amour entre les différents aspects de l'être.
L’amour qui est accueil, ouverture d’esprit, écoute, attention, protection de l’enfant en soi par cette ouverture, par le fait d’autoriser le mental à lâcher le contrôle émotionnel, est à mon sens la seule voie de libération.
Il ne s’agit pas de se complaire dans le rôle de victime mais d’apprendre à être cet adulte protecteur, accompagnant l’expression de l’enfant en soi, à devenir le parent qu’on aurait voulu avoir. Ce qui revient à devenir responsable de ces mondes intérieurs.
Mais là encore, souvent la personne qui a été victime porte le poids de la culpabilité que l’adulte lui a fait porter et confond culpabilité et responsabilité. C’est cela aussi qu’on va apprendre à clarifier par l’écoute et l’accueil de la première vague qui émerge.
Le dialogue entre l’enfant et l’adulte passe d’abord par la manifestation des émotions refoulées qu’on ne va plus bloquer et qu’on va apprendre à démystifier dans cette ouverture. C’est souvent inconfortable mais ça finit par se calmer quand on peut exprimer son ressenti à la personne à laquelle on en veut de ne pas avoir été protectrice. J’ai osé exprimer à ma mère la colère que je retenais depuis des années même si j’avais déjà eu l’occasion de le faire mais à l’époque j’étais complètement identifiée au rôle de victime et n’avais pas conscience des mécanismes de survie qui formatent la personnalité du coup, le nettoyage en profondeur n’a pas été effectué parce que ces explosions amenaient de la culpabilité.
Mais c’est aussi cette situation qui m’a poussée à choisir de partir définitivement de cette maison, de cette ambiance et à décider d’aller habiter dans le sud. Même si j’étais consciente d’emmener avec moi toutes les souffrances de l’enfant intérieur, au moins, je pouvais vivre selon ma propre vision de la vie, mes propres valeurs.
Mais ça n’est qu’en prenant conscience de l’aspect multidimensionnel de l’être, de la fonction de chaque corps et en m’identifiant davantage à la sagesse intérieure que peu à peu, je me suis sentie capable d’aider l’enfant en souffrance.
Même si j’ai un peu culpabilisé quand j’ai dit à ma mère combien sa façon de nier ou de minimiser les souffrances internes me mettait en colère et même si c’est sorti en vrac, je ne le regrette pas. Le lendemain, j’ai exprimé sereinement les choses après avoir accueilli les pensées émotions de l’enfant intérieur.
Pour ce qui est de pardonner, j’ai senti combien cela était bénéfique mais ça ressemblait plus à une fuite, une forme de déni, une façon de croire que tout cette souffrance était résolue. C’est en observant les réactions et les modes de pensées de victime que je continuais d’exprimer que j’ai pris conscience que ça n’est qu’en accueillant les émotions, en écoutant les pensées de l’enfant en moi que ce passé pourrait devenir un chemin initiatique.
Non seulement la compréhension mentale ne suffit pas à guérir mais comme la mémoire traumatique est sensorielle, c’est par la reconnaissance et donc la libre expression de ce qu’on a tendance à vouloir nier, refouler, et l’accueil des émotions, puis le détachement que le processus de guérison se réalise en profondeur.
Puis par l’approche répétée de ce lâcher prise au niveau mental et l’accueil des émotions associées qu’on prend vraiment conscience du divin en soi, de la capacité de chacun de devenir ses propres parents, sa propre autorité.
Le mental a sa façon de percevoir et d’analyser mais l’émotionnel s’exprime d’une toute autre façon, c’est comme une rivière en soi qui a juste besoin de s’écouler librement. C’est l’essence, le carburant qui permet de se mettre en mouvement mais cette énergie a besoin d’être canalisée en conscience. Quand je parle de mouvement, cela concerne autant les pensées expressions des croyances et conditionnements, que les émotions qui donnent corps à ces modes de pensées.
C’est très abstrait comme concept d’autant plus que lorsqu’une vague émotionnelle émerge, on a bien du mal à faire la part des choses. Le déversement de la colère refoulée a duré près de 72 heures et je me demandais parfois si j’en finirais jamais de ressasser.
C’est là où le positionnement au centre, au-delà des pensées binaires est très important et ça n’est pas compliqué. Juste revenir à la conscience d’être d’abord la source, la conscience neutre lucide et bienveillante, ramène peu à peu à l’équilibre et à la raison.
Puis c’est ensuite, dans les réactions spontanées moins violentes, les gestes compulsifs moins nécessaires ou perçus de moins en moins comme une stratégie efficace, le fait d’oublier de prendre les médocs, une vision qui s’élargit, davantage de facilité à exprimer ce que l’on veut, qu’on constate l’efficacité du processus.
La joie est davantage présente sans qu’elle soit le fruit d’un raisonnement, elle émerge naturellement en même temps que des souvenirs d’enfance heureux. Et plus le mental comprend son intérêt à changer de perspective puisqu’il perçoit les bénéfices de cette approche et plus ça devient facile.
Avec du recul, je vois que la vie est bien faite puisque tout nous amène à recouvrer notre souveraineté, en devenant davantage conscient que c’est en soi que tout se résout, que nous sommes complets, autant père, mère qu’enfant, et que l’émotion constitue autant l’expression de nos valeurs que l’énergie qui va nous donner l’élan à agir en direction de nos vrais besoins.
On peut voir grandeur nature l’effet de certaines de nos croyances adoptées dans l’enfance à travers les situations extrêmes dans la société. La façon dont chacun traite l’enfant en soi, soit en ne remettant pas en cause les croyances, conditionnements ou en refusant de ressentir les émotions, génère des comportements chaotiques dans le monde.
Quand on croit plus ou moins consciemment que le corps est un objet de plaisir cela se traduit par une course aux plaisirs compulsifs, par un esprit de compétition, par une lutte acharnée contre ce qui n’entre pas dans le cadre idéal posé dans la croyance en une forme de hiérarchisation des corps et donc des classes sociales.
Le désir d’immortalité est une forme d’ignorance de ce que nous sommes vraiment et c’est la réponse à l’angoisse existentielle du mental face à la mort. C’est une forme de négation de la biologie, de la nature, de ses cycles, un rejet de la réalité et une vision très égocentrée où l’identification au mental appelé supérieur, nourrit la division en soi. Une vision où le mental est sensé trouver des réponses aux questions existentielles et où le contrôle est nécessaire.
Quand j’ai exprimé la colère de l’enfant intérieur en direction de ma mère puis de l’âme, il y a eu un grand soulagement du fait d’honorer l’enfant en moi parce que la peur de déplaire n’est pas entrée en ligne de compte. Cette peur d’être injuste que tout enfant victime peut ressentir est un obstacle à l’épanouissement mais c’est aussi un frein utile et en percevant ces mécanismes internes au point zéro, cela apparaît comme des forces qui s’équilibrent.
Dans l’écoute et l’accueil des émotions refoulées de l’enfant en soi, les valeurs les plus chères sont révélées et la peur d’être injuste aide à ne pas sombrer dans les extrêmes. Le souci de justice est honoré lorsqu’on accueil l’enfant en soi. On réalise le pouvoir de l’accueil qui détrône celui de la domination.
C’est en ce sens que l’accueil de l’enfant en soi ramène à l’équilibre et permet de savoir qui on est et où on va. Quand on revient à l’équilibre interne par l’accueil de l’enfant intérieur, on voit combien ce processus est bénéfique mais aussi comment il permet de redéfinir notre vision des choses, des valeurs essentielles comme l’amour sans conditions, la liberté d’être et par-dessus tout que c’est notre droit légitime, qu’il se manifeste d’abord dans la relation à soi.
On est alors moins prompt à juger les autres simplement parce qu’on sait par expérience que ça n’est pas si évident de sortir des conditionnements qui apparaissent comme des bouées de sauvetage. Idem pour les rôles qui, peuvent donner l’illusion du confort psychique mais qui sont aussi des béquilles. Le fameux « interdit d’interdire » s’applique alors à soi-même, dans ce désir de transparence croissant et la volonté d’être authentique déjà à l’intérieur, dans l’accueil des plaintes de l’enfant en soi.
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