Les neurosciences le confirment : ni magie ni don,
l’intuition est une forme d’intelligence présente en chacun de nous. Elle se
cultive, se travaille et s’aiguise au quotidien. Explications et exercices pour
suivre en toute confiance notre « boussole
intérieure ».
Pour le philosophe allemand Schopenhauer, elle était
la marque de fabrique de toutes les œuvres de génie. Einstein, lui, la
définissait comme une « sensation au bout du doigt » (fingerspitzengefühl).
Pour
vous et moi, elle est une petite voix intérieure qui conseille, une certitude
fulgurante qui s’impose, ou encore une réaction corporelle plus ou moins
intense.
Les plus réceptifs d’entre nous prennent en compte leur intuition, les
autres la refoulent ou l’ignorent.
Même si son origine demeure mystérieuse, les
neurosciences reconnaissent aujourd’hui qu’elle peut être un allié non
négligeable pour nous faciliter la vie.
Ni sixième sens magique, ni don réservé
à quelques élus, l’intuition est une faculté à la portée de tous.
« La capacité intuitive consiste à percevoir des
éléments contextuels et à les agencer de manière adaptative pour trouver une
solution nouvelle dans un programme préétabli ou dans une situation répétitive,
expose Roland Jouvent, professeur de psychiatrie et directeur du centre Émotion
du CNRS à la Salpêtrière, à Paris et auteur du Cerveau magicien (Ed.
Odile Jacob 2002).
Nous avons une partie du cerveau rationnelle qui gère nos
apprentissages et une autre plus émotionnelle, relationnelle et adaptative, qui
est capable de sortir des contraintes logiques répétitives.
L’intuition aurait
à voir avec cette capacité à imaginer des réponses et des solutions hors
“logique prédictible”. » En clair, perdu en voiture dans une ville, nous
pouvons soit demander notre chemin, soit suivre notre feeling, c’est à- dire
nos « sensations - impressions », qui forment une sorte de certitude flottante.
Pour autant, ce conglomérat intuitif n’est pas
dépourvu de rationalité.
« En réalité, pour les neurosciences, explique la
neurologue Régine Zékri-Hurstel, auteure avec Jacques Puisais du Temps du
goût (Ed. Privat 2010), il s’agit pour une bonne part d’informations
sensorielles captées par notre cerveau mais qui ne parviennent pas à notre
conscience.
C’est pourquoi beaucoup de neuroscientifiques nomment l’intuition
“inconscient d’adaptation”.
Notre cerveau arrive directement aux conclusions et
nous fait prendre des décisions sans que nous ayons conscience des perceptions
subliminales qui nous y ont conduits. »
La neurologue ajoute que notre
intuition « est connectée à notre banque de données sensorielles, toujours en
mouvement, et s’adapte en permanence pour percevoir le moindre changement.
Les
plus intuitifs sont donc ceux qui ont le mieux développé leurs qualités
sensorielles. L’émotion vient des sens, elle est essentielle dans la capacité
intuitive. » Une affirmation qui entre en résonance avec ce que constate le
psychanalyste Moussa Nabati:
« Si l’on cesse d’être branché sur soi, si l’on entre véritablement en
empathie avec l’autre, alors on peut sentir, pressentir des choses, des
événements qui ne sont pas la projection de nos peurs, désirs ou angoisses. »
Une faculté qui embellit la vie
« Chacun a la capacité d’être intuitif, affirme Régine
Zékri-Hurstel, chacun peut avoir accès à des données diverses pour évaluer un
contexte ou une personne, être averti d’un danger ou trouver une solution
nouvelle, mais le véritable “plus” de l’intelligence intuitive, c’est de
contribuer à notre bonheur. Plus précisément à notre “neuro-bonheur”,
c’est-à-dire le fait d’intégrer l’ensemble des données de notre environnement,
de notre présent, pour améliorer notre devenir, et découvrir, grâce à cette
porte ouverte sur notre cerveau, les codes d’accès personnalisés de notre
bien-être sensoriel. »
Ainsi branchés sur nos sens, réceptifs à nos émotions
et à notre « petite musique intérieure », nous pouvons ressentir ce qui est
vraiment bon ou mauvais pour nous.
« Lorsque nous savons quelque chose avec
notre intuition, nous le savons avec nos os, notre cœur ; c’est une
connaissance, une certitude qui résonne dans l’ensemble de notre corps-être »,
estime Judee Gee, créatrice et directrice de l’École de l’intuition, auteure de
Comment développer votre intuition (Trajectoires 2010). Quelle relation
laisser tomber ? Quelle proposition refuser ? Quelle direction suivre ? La
confusion règne souvent dans nos vies où les possibilités sont devenues
infinies.
L’intuition peut être une boussole précieuse, une invitation à
l’autonomie, l’opportunité de modeler son quotidien au plus près de ses
besoins, de ses envies et de ses compétences.
Selon Vanessa Mielczareck, coach spécialisée en
intuition, cette faculté « nous fait gagner du temps, nous rapproche de nos
véritables aspirations, nous connecte à nos vraies ressources intérieures.
Encore faut-il oser lui faire confiance. Par essence, l’intuition est toujours
juste. Lorsque l’on se trompe, c’est parce que l’on n’est pas en présence d’une
intuition, mais plutôt de l’expression d’un désir, de l’imagination, d’une
volonté, d’une peur ».
Vanessa Mielczareck pointe trois principaux obstacles :
le manque de confiance en soi, l’hyperrationalisme et la négativité. Une fois
ces freins repérés et levés, on peut alors accueillir ses intuitions et
choisir, en toute sérénité, de leur faire confiance.
Exercice 1 : Réveillez votre guide
intérieur
À pratiquer une fois par jour (matin ou soir), pendant
au minimum une semaine.
Relaxez-vous en profondeur. Installez-vous
confortablement. Expirez longuement, puis amorcez un cycle d’inspirations-expirations
calmes et profondes en relâchant vos muscles. Une fois détendu, imaginez que
vous déplacez votre conscience dans votre abdomen. À chaque inspiration,
descendez plus profondément en vous, jusqu’à vous sentir parfaitement relaxé.
Interrogez-vous : « De quoi ai-je besoin d’être plus
conscient ? » Laissez la question cheminer en vous et accueillez sans juger les
réponses : images, mots, sensations, émotions… Il s’agit de se mettre à
l’écoute de votre guide intérieur. S’il est toujours muet au bout de deux ou
trois jours, essayez ces questions : « Quelle direction dois-je prendre en ce
moment ? », « Que dois-je faire maintenant ? Montre-moi. »
Notez vos messages, même s’ils vous semblent farfelus
ou éloignés de votre demande. Gardez-les pour vous. Avec le temps, un mot, un
visage ou une sensation peuvent revêtir une signification qui vous a échappé au
premier abord, parce que vous étiez dans une forme de pensée causale et non
analogique.
Exercice 2 : Faites le tri
dans vos messages
Il est salutaire d’interroger ce que l’on prend
parfois un peu vite pour une intuition, et qui peut être un désir, une
projection, une manifestation de son angoisse.
Les travaux des psychologues Hal
et Sidra Stone, auteurs du Dialogue intérieur (Souffle d'or 1991), ont
montré que notre personnalité était composée de « subpersonnalités », issues de
notre histoire psychoaffective, et qui possèdent chacune une voix singulière.
Listez vos personnalités principales, positives et
négatives (enfant, juge, thérapeute, clown, leader, prudent, risque-tout,
etc.), puis sélectionnez les trois ou quatre dominantes. Lorsque vous avez un
choix à effectuer, prenez une feuille de papier et des stylos de couleur
différente.
Écrivez votre question, puis donnez la parole à ces
personnalités dominantes en utilisant une couleur pour chacune. Une fois les
messages « épuisés », n’essayez pas de choisir la meilleure réponse
sur-le-champ.
Différez votre décision en revenant à l’exercice
numéro un. Le but ? Faire l’expérience consciente de la différence entre la
voix de notre guide intérieur (qui peut être celle de l’une de nos «
subpersonnalités » dominantes) et celles des « rôles » que nous endossons
inconsciemment.
Exercice 3 : Testez une journée 100
% intuition
Se mettre à l’écoute de son intuition, capter ses
messages est une chose. Agir en se laissant guider par elle, une autre. Et le
pas n’est pas toujours facile à franchir, car nos résistances sont aussi
nombreuses que tenaces. Pour lever ses inhibitions sans se mettre en danger, il
est conseillé de pratiquer la politique des petits pas. Cet exercice consiste à
expérimenter une journée totalement guidée par notre intelligence intuitive.
Choisissez de préférence un jour de la semaine où vos
obligations sociales et professionnelles sont réduites. Vous ne devez pas vous
mettre en situation de conflit intérieur ni faire supporter les conséquences de
vos décisions à votre entourage.
Une fois votre journée choisie, commencez-la
par l’exercice numéro un, de manière à vous rendre plus réceptif tout au long
des heures. Laissez ensuite tout le jour se dérouler sans faire appel à votre
logique, ni à votre mental, ni à vos habitudes.
Agissez comme si vous n’écoutiez que les directives de
votre guide intérieur. Prêtez une grande attention à votre ressenti émotionnel
(positif comme négatif). N’hésitez pas à prendre des notes : cet exercice vous
permettra d’affiner votre perception et de renforcer votre confiance en vous.
Essayez de vous offrir régulièrement une journée «
intuition », de manière à vous familiariser avec ce mode de fonctionnement.
Exercice 4 : Restez en contact avec votre guide
Notre petite voix, pour se faire entendre, doit être
régulièrement sollicitée. Sinon, elle s’affaiblit et finit par se dissoudre.
Pour rester en contact avec votre guide intérieur, il est important de faire
régulièrement, une à deux fois par semaine, des pauses d’introspection et de méditation
consciente.
Dans un endroit calme, assis ou allongé, expirez puis
inspirez profondément. Portez ensuite votre attention sur les pensées qui vous
traversent et sur les sensations de votre corps (détente, oppression, tension,
douleur…).
Demandez-vous ensuite si vous êtes plutôt satisfait de
votre vie en ce moment, et ce qui pourrait apporter des améliorations.
Poursuivez votre respiration consciente calme et profonde sans chercher une
réponse de manière volontaire. Laissez-la venir. Si ce n’est pas le cas,
refaites l’exercice une nouvelle fois dans la journée.
L’important : gardez un espace d’ouverture pour que
votre intuition puisse se manifester. Dans tous les cas, ne pensez pas, ne
réfléchissez pas, restez uniquement en relation avec vos sensations,
impressions et émotions, votre guide intérieur finira par se faire entendre !
Article rédigé par Flavia Mazelin-Salvi
http://www.psychologies.com