mardi 9 septembre 2014

« Ne formons pas un autre groupe » par Michael Brown






Le paradoxe du déroulement de notre processus évolutif est que même si c’est une transformation qui impacte finalement l’ensemble de notre groupe humain, elle ne peut être accomplie par la formation de groupes spécifiques au sein de notre collectivité humaine. Une évolution authentique ne peut être initiée par l’activité d’un groupe particulier mais par des individus se transformant eux-mêmes; l’évolution est le résultat d’individus honorant leur authenticité au-delà des activités et des marées de la mentalité collective.
L’un des obstacles retardant l’évolution de notre développement actuel est que nous avons une dépendance à la fabrication d’expériences non authentiques tout en prétendant que nous essayons de devenir authentiques. Un exemple de ce comportement est notre désir de former des groupes spécifiques comme moyen de retrouver l’authenticité. Nous devenons ensuite dépendants de ces groupes, ce qui en retour retarde notre développement évolutif en nourrissant et renforçant la mentalité collective plus que l’authenticité individuelle. L’évolution s’accomplit toujours à partir des « différences » et non des « similarités ».


Les groupes de soutien sont des dépendances déguisées qui nous séduisent et nous font vivre dans le déni. Ils ne peuvent nous aider à grandir émotionnellement puisque ce que nous attendons d’eux est de pouvoir garder notre équilibre. Les groupes sont des sacro-saintes ouvertures vers la perpétuation de notre drame. Ils nous donnent un sentiment d’exclusivité, celui d’être spécial et de posséder une subtile supériorité. Ils nous poussent constamment à faire revivre les vieilles histoires usées que nous nous racontons depuis des années. En nous offrant un espace de partage soi-disant légitime pour raconter nos histoires aux autres, ces groupes ne font qu’offrir un sentiment de réalité mensonger à ces illusions fabriquées.
Un groupe de soutien naît toujours de l’expérience d’une personne. Ce forum devient alors un moyen par lequel l’expérience particulière de cet individu se transforme en un ensemble de règles que tout le monde doit suivre.
Un groupe de soutien naît également des « besoins et désirs » non-intégrés d’une personne. Celle-ci reflète alors ces questions dans un forum composé de personnes partageant ces mêmes dysfonctionnements émotionnels.
Dans cette perspective, les groupes sont de ceux qui sèment potentiellement l’énergie religieuse insidieuse qui devient inévitablement une drogue pour ceux qui ont besoin et désirent suivre quelqu’un ou quelque chose. Ils sont un moyen d’essayer d’orchestrer et d’organiser ‘le moment éternel’. Ils sont le plus souvent une occasion pour les personnes qui manquent de courage pour s’exprimer de s’écouter parler, de sentir que leurs opinions réactives ont un sens et de justifier le fait de continuer d’être incapables de grandir émotionnellement. Du fait que ces structures-mêmes court-circuitent les possibilités de développement émotionnel individuel authentique, les groupes deviennent immanquablement des bourbiers de critiques et soutiennent ainsi la faiblesse inhérente à la mentalité victime/vainqueur.
Combien de groupes de soutien possèdent un fonctionnement interne permettant de libérer leurs membres du groupe afin qu’ils puissent apprendre à fonctionner de façon libre et indépendante sans lui ?
Ceux qui se laissent enfermer dans la dépendance à l’alcool et à la toxicomanie sont-ils un jour libérés par leur groupe de soutien, ou le groupe ne devient-il pas à son tour une dépendance camouflée qui retient ses membres paralysés et emprisonnés dans la toile d’une organisation d’auto-préservation ?
Les groupes de conscientisation du moment présent nous aident-ils à expérimenter notre conscience du moment présent, ou mettent-ils tout simplement en évidence notre frustration de ne pouvoir le faire ?
Ce n’est pas parce qu’un groupe de soutien permet à ses membres de faire du surplace, de vivre dans un ‘désespoir tranquille’, de trouver des compagnons de misère ou d’échanger longuement sur des concepts spirituels, que cela signifie qu’il accomplit quelque chose de tangible et donc de durable.
Si l’intention d’un groupe de soutien n’est pas de libérer ses membres aussi rapidement et efficacement que possible, il n’est qu’un outil de dépendance qui engendre l’emprisonnement de la perception.
Ces groupes ne peuvent nous assister dans notre croissance émotionnelle car toute croissance émotionnelle abordée dans un contexte où il existe ‘un public’ est ‘une représentation’. Et une représentation, peu importe combien elle est subtile ou déguisée en expérience authentique est un simulacre. Les artistes-interprètes jouent toujours un rôle. ‘La Présence’ ne peut être retrouvée par le biais de faux-semblants tout comme la paix ne peut être ‘forcée’. Un spectacle est toujours, de par sa nature, un comportement réactif – un comportement motivé et orienté par les circonstances extérieures. Pour être authentique, la croissance émotionnelle doit être réceptive, et un comportement véritablement réceptif n’est fondamentalement possible que lorsque nous nous retrouvons totalement seuls avec nous-mêmes.
Ce n’est que lorsque nous sommes capables d’être constamment honnêtes envers nous-mêmes, pour nous-mêmes et par nous-mêmes, que nous pouvons nous comporter en public de manière authentique et cohérente.
Même lorsque nous formons des groupes de soutien au nom de soi-disant ‘buts élevés’, comme celui de discuter de l’unité ou d’autres nobles concepts intellectuels, nous nous abusons encore nous-mêmes. Nous ne pouvons former un groupe exclusif pour activer ce qui est en fait inclusif. Nous ne pouvons discuter de l’unité avec une autre personne et espérer expérimenter véritablement l’Unité. Dès l’instant où nous parlons de l’unité avec quelqu’un d’autre, nous entrons dans la séparation ; notre perception de ‘l’autre’ nous ferme la porte à l’expérience de l’unité.
L’unité signifie « il n’y a pas d’autre ».

L’unité signifie qu’il n’existe pas de groupe spécifique auquel appartenir ; que chacun et tous font partie de notre groupe, de ce fait le concept de « groupe » se dissout également. ‘Un groupe » n’est possible que si nous sommes dans un état d’esprit de séparation car pour exister, ‘un groupe’ a besoin ‘des autres’. Au cœur de l’unité, les ‘autres’ n’existent pas.
Le fait de former ou de rejoindre un groupe dissous simultanément notre expérience de perception de l’Unité.

Une autre chose étrange que nous faisons ces jours-ci est de se réunir en groupes et de s’asseoir en silence. Certaines personnes prennent l’avion pour traverser un continent ou voyager vers au autre pays en payant d’énormes sommes d’argent simplement pour aller s’asseoir dans le silence ! Il y a 15 ans un tel comportement aurait été une idée juteuse pour un sketch absurde du Cirque Volant des Monte Python. On peut facilement s’imaginer John Cleese en train de déclamer :
« Entrez tout le monde ! Voici l’Isoloir Où l’On Vient S’asseoir en Silence. Payez vos cinq livres à l’entrée et venez vous asseoir dans le silence absolu pour le reste de la semaine. Si ce n’est pas votre tasse de thé, vous pouvez bien sûr aller de l’autre côté du couloir dans l’Isoloir Où l’On Se Frappe la Tête Contre Son Genoux Droit Sans S’Arrêter, ce qui soit dit en passant est une affaire aujourd’hui : seulement trois livres pour vous frapper jusqu’à vous assommer. Non, Monsieur, s’il vous plaît, une fois que vous avez payé vos cinq livres, silence absolu, merci. Madame, s’il vous plaît, veuillez-vous taire et essayez d’apprécier la grandeur du service que nous vous offrons, sinon nous vous rembourserons. Bien, maintenant je voudrais entendre le silence ! Mais d’abord, j’ai quelques annonces à passer sur tous les bruits qui ne seront pas tolérés. Bien… »

Ce n’est pourtant pas une comédie, c’est ce que font les gens ! Nous fabriquons des expériences spécifiques dans le but de nous asseoir ensemble en groupe dans le silence et la tranquillité et nous payons même des gens pour qu’ils aient le privilège d’organiser de telles occasions. Bien entendu une partie de l’expérience repose sur la présence d’un individu que nous reconnaissons comme étant spirituellement si évolué que s’asseoir tranquillement dans le silence en sa compagnie vaut pour nous chaque centime dépensé. Pour faire l’expérience gratuite et illimitée du silence, nous devenons dépendants d’une autre personne ou d’un endroit idyllique éloigné de notre environnement quotidien ou encore d’un autre groupe « d’autres ».
Jusqu’où nous sommes-nous égarés du bon sens et de l’authenticité ? Comment ce comportement est-il censé nous affermir d’une manière réelle et durable ? C’est ici la conséquence d’avoir mélangé spiritualité et commerce ; il est évident que certaines personnes gagnent énormément d’argent sur le dos de l’immaturité émotionnelle, de la naïveté infantile et du mal-être intérieur de l’humanité.

La question à se poser est celle-ci : Les résultats de telles pratiques de groupes sont-elles réelles et durables ? La réponse est simple : si nous avons besoin d’y retourner ou de réitérer l’expérience de façon répétitive, alors la réponse est « Non ».
Dans de telles conditions, quoique nous ayons expérimenté l’a été à partir d’une ‘fabrication’ où nous avons mis en spectacle notre prétendu calme et silence sur une scène artificielle ; par conséquent cette expérience s’épuise et retourne inévitablement au néant.
Les bénéfices du calme et du silence ne peuvent être récoltés de façon réactive. Ils n’ont un mérite réel et durable que lorsqu’on les a recueillis seul, loin des yeux du monde et dans une liberté qui n’est possible que loin des échanges monétaires. Ce que nous n’avons pas encore compris, c’est que lorsque nous devons payer une somme particulière pour participer à de telles activités de groupe, il s’agit de la valeur précise que notre inconscient leur accorde. Une ‘retraite silencieuse’ accorde donc une valeur très limitée et quantifiable aux trésors du calme et du silence et nous empêche donc d’expérimenter leurs bénéfices illimités et sans prix. Dès l’instant où nous ressentons le besoin de nous asseoir devant un autre être humain comme catalyseur d’une telle expérience, tout ce que nous expérimentons devient inconsciemment associé à sa présence. Ainsi, la question demeure: comment ceci est-il censé nous redonner notre pouvoir ?

La réalité est que lorsque nous sommes assis devant ‘un autre’, c’est ‘nous-mêmes’ que nous ressentons, un reflet de la magnificence de notre propre Présence Intérieure – un sentiment qui nous est disponible 24 heures par jour si nous prenons soin de nous tourner vers l’intérieur pour l’expérimenter grâce à une discipline cohérente. Tout ce que nous ressentons, c’est nous-mêmes. Il est vrai que nous trouver en présence de ‘La Personne’ capable de refléter cet état rayonnant que nous avons oublié peut nous être très bénéfique et avoir tout son sens. Cependant, si une telle personne ne nous conduit pas simultanément à entrer en nous-mêmes et ne nous prévient pas des dangers liés à rechercher de façon addictive cette expérience à l’extérieur de nous-mêmes, une telle rencontre, même profonde, nous déresponsabilise alors également.
Pour atteindre cet état authentique de Présence rayonnante à l’intérieur de nous-mêmes de façon réelle et durable, cela nécessite de commencer un travail intérieur régulier et discipliné. Ce travail intérieur commence par grandir émotionnellement.
La mentalité de groupe ne peut nous aider à grandir émotionnellement car un groupe ne grandit jamais.

Grandir émotionnellement demande de pouvoir éveiller une force intérieure qui neutralise les besoins et désirs individuels sur lesquels le groupe a besoin de s’appuyer et qui neutralise également notre besoin que le groupe nous apporte reconnaissance et soutien et nous indique la direction que nous devons prendre. Grandir émotionnellement déstructure systématiquement le rôle d’un individu au sein du groupe et s’il reste dans le groupe, cela peut se traduire par le démantèlement de celui-ci. Grandir émotionnellement ne fait donc pas partie du programme de groupe. Par autoprotection le groupe se retourne contre ou se détourne systématiquement de toute personne qui grandit émotionnellement en son sein, ou lorsque c’est impossible, l’enferme en lui offrant une promotion à un échelon supérieur de sa hiérarchie interne.
Lorsqu’un groupe promeut quelqu’un au statut de leadership, il vise l’ego de cette personne avec l’intention de paralyser toute future croissance émotionnelle en elle. Plus l’individu évolue le long de l’échelle de la hiérarchie de ce groupe, le moins il lui est possible de s’ancrer et d’être authentique. Le prestige du leadership n’est qu’un voile pour cacher la fourberie de l’emprisonnement des perceptions qui s’en suit. Dans n’importe quel groupe, plus on monte les échelons de la structure, plus la chute sera dure et inévitable. Ce n’est qu’une question de temps avant que l’individualité en apparence encouragée ne devienne accablée et anéantie par la mentalité de groupe.
Bien sûr, tout cela étant dit, il est tout de même recommandé de pratiquer « l’équilibre et la clémence plutôt que le sacrifice », d’approcher la libération de la mentalité de groupe avec responsabilité et douceur. Certains d’entre nous en train de lire ceci font peut-être être actuellement partie de groupes de soutien. Il ne s’agit donc pas ici de nous encourager à bondir et nous enfuir de toute activité liée à ces groupes. Nous ne devons pas être dans la réaction mais plutôt nous éveiller à notre situation en en prenant conscience. Gardons à l’esprit qu’il s’agit ici de comprendre « la raison pour laquelle l’approche du nettoyage émotionnel dans Le Processus de La Présence* ne nous encourage pas à former un nouveau groupe ».
« Mon Dieu, s’il te plaît épargne-nous un autre groupe ! »
Si nous sortons actuellement d’une expérience de dépendance et que nous sommes en voie « de rétablissement »- pour reprendre la terminologie des groupes de soutien – nous sommes susceptibles de rester dépendants de notre expérience de groupe. Afin de surmonter cette situation difficile et d’évoluer au-delà de cet enfermement des perceptions, il est fondamental que nous ne blâmions pas le groupe de notre situation car il s’agit ici de notre addiction à notre expérience dans un groupe et non pas de la nature du groupe lui-même. Nous ne pouvons reprocher à un groupe d’être un groupe, c’est sa nature intrinsèque. Il n’est que ce qu’il est supposé être. Un groupe est comme un radeau de sauvetage : il peut nous sauver de la houle et de la noyade, mais si nous ne le quittons pas, nous ne pourrons revenir vers une expérience de vie authentique. Si nous ne sommes pas prêts à explorer ce que signifie réellement ‘Vivre’, il est conseillé de rester dans la structure du groupe afin qu’il puisse nous accompagner avec son interprétation de ce représente ‘une vie saine’.
Lorsque nous sommes prêts à expérimenter à nouveau une vie authentique, il ne tient qu’à nous de nous demander si nous désirons vraiment découvrir, si nous sommes prêts à sauter du radeau de sauvetage symbolisant le désespoir tranquille du rétablissement et commencer à nager dans les eaux turbulentes du plan émotionnel nous permettant de « développer » nos muscles. Lorsque nous sommes en phase de rétablissement, que nous en soyons conscients ou non nous recouvrons activement le point d’origine de notre mal-être soit en en parlant de manière excessive, en blâmant les autres –ou le monde entier– ou en accusant un éventuel ‘déséquilibre d’ordre chimique’.
Lorsque nous ne sommes pas encore prêts à retourner embrasser la vie, il existe une liste interminable d’excuses pour justifier le fait de rester paralysé dans un état émotionnel anesthésié ou contrôlé.
Si vous êtes un toxicomane en voie de rétablissement ou faites partie d’un groupe de soutien pour toxicos et que vous lisez ceci, il est possible que vous ayez le sentiment que ces mots dénigrent d’une certaine façon votre situation actuelle et vous jugent cruellement d’en être à ce stade. Ce n’est pas le cas. Vous en êtes où vous en êtes et la seule façon dont vous mobiliserez l’élan pour vous libérer de la « mentalité de rétablissement (recouvrir) » est en regardant votre situation à partir d’une perspective qui ne peut être offerte par aucun groupe de soutien.
Si nous n’intégrons pas notre situation actuelle, il est impossible de réaliser un véritable mouvement vers un autre état d’être. Tout comme un toxicomane doit admettre sa dépendance pour pouvoir bénéficier d’une aide, un membre d’un groupe de soutien doit admettre qu’il est « en phase de rétablissement » et ce que cela signifie vraiment, avant de passer à l’état de ‘la découverte’.
Le « rétablissement  » est une paralysie émotionnelle. Rien ne change à travers le rétablissement ; si nous sommes un « alcoolique en phase de rétablissement » nous pouvons nous mettre à boire de grandes quantités de café et à fumer cigarette sur cigarette ; si nous sommes un « accro à l’héroïne en phase de rétablissement », nous allons compenser avec des antalgiques. La dépendance aux groupes de soutien est tout simplement le transfert d’une tendance addictive. On nous dit que « tant que nous nous rendons à nos réunions de groupe de soutien, nous faisons des progrès ». Pourtant, les seuls progrès que nous accomplissons lorsque nous faisons du sur-place est de retarder le moment où l’épuisement entraîne la noyade.
Se rétablir (re-covery), peu importe la manière dont nous le déguisons, c’est faire du sur-place.
Découvrir (dis-covery), c’est choisir de plonger dans les profondeurs des eaux et de faire face aux profondes ténèbres de nos émotions refoulées.
Les réunions de groupes de soutien sont un bon moyen de transition, non pas une destination. Nous faisons tous ce type d’expérience à un moment donné de notre parcours. Cependant, dès que la mentalité de groupe devient ‘une destination’, cela nous enferme dans un désespoir tranquille. Notre tâche – si nous cherchons une véritable libération — si nous cherchons à découvrir– est de pouvoir ressentir le véritable état de notre cœur et, à travers le processus des « ressentis », transformer la signature émotionnelle inconfortable qui perpétue notre addiction ou dépendance. Personne ne peut faire cela pour nous. Toute dépendance est entraînée par une signature émotionnelle douloureuse et la libération d’une telle condition exige de faire face à notre propre souffrance.
Notre souffrance est notre libération.
Si nous ne nous tournons pas vers l’intérieur pour faire face à cet aspect causal de notre expérience, notre participation à tout groupe de soutien n’est qu’une ‘représentation’. Si le groupe dont nous faisons partie n’est pas motivé pour nous libérer de lui-même, il devient notre héroïne ou notre alcool sous une forme différente. C’est notre tragédie sous un autre visage.
Si nous sommes actuellement dans une telle situation cela ne sert à rien que nous tentions d’en échapper parce qu’alors inconsciemment et systématiquement nous allons courir embrasser une autre expérience de groupe sédatif et dominant. Il est préférable que nous prenions le temps de nous poser consciemment l’expérience de groupe que nous sommes en train de vivre en l’observant clairement pour ce qu’elle est.

Amener toute expérience à la conscience permet de la transformer.

Lorsque nous observons ces groupes pour ce qu’ils sont, il ne sert à rien, ni pour nous, ni pour le groupe, d’essayer de se retourner de manière réactive contre lui ou de tenter de réveiller les autres de leur situation hypnotique. Faites toujours preuve de compassion, de douceur et de responsabilité. Il nous faut rester en phase avec le principe alchimique authentique tel qu’il est enseigné dans Le Processus de La Présence :
« Se faire à soi-même ce que nous voudrions que les autres nous fassent ».
Rappelez-vous qu’un groupe de soutien est un radeau de survie pour toute personne qui n’est pas encore assez mûre pour grandir émotionnellement. Cette approche compatissante, douce et responsable s’applique également à nous-mêmes si nous faisons partie d’un groupe « spirituel » et que nous prenons conscience « qu’aucune discussion ne saurait jamais se substituer à l’expérience personnelle ». Discuter de manière intensive de spiritualité peut également entraîner une forte accoutumance et rendre la pratique spirituelle impuissante. Une fois que nous nous éveillons et réalisons les limitations inhérentes à l’activité de groupe, notre tâche consiste à nous retirer du groupe avec douceur et délicatesse, sans débat ou discussion.
Rappelez-vous, il ne s’agit pas du groupe ; il s’agit d’enrichir notre voyage continuel au-delà du cadre de ses limitations. Lorsque nous choisissons de mûrir émotionnellement, arrivés à un certain point, nous devons passer à travers et au-delà du besoin d’un accord, d’un soutien et d’une reconnaissance extérieurs. Agir avec délicatesse implique d’agir avec gratitude.
Lorsqu’une une chenille est prête à s’éveiller à la vie dans l’authenticité, l’intégrité et l’intimité, la dépendance à la mentalité-de-groupe doit muer comme une vieille peau. La chenille doit alors se protéger de l’extérieur dans son cocon afin qu’elle puisse ressentir la plénitude à l’intérieur. A ce moment du voyage, la solitude est l’épice qui apporte les saveurs à la nourriture nécessaire pour une croissance continue. Nous devons être capables de ressentir notre peur, notre colère et notre chagrin tout en demeurant au milieu de ces circonstances énergétiques sans aucun renfort extérieur.
Aucun groupe – quel que soit le niveau de conscience que ses membres semblent avoir extérieurement et combien le leader peut nous paraître évolué – ne peut être un substitut à ce moment de notre évolution. Le papillon naît toujours seul, créant son passage avec courage et par ses propres efforts à travers l’enfermement qu’il a lui-même créé. Le groupe n’a pas d’ailes. Il ne peut voler. Par conséquent, toute promesse qu’il peut nous faire en vue de notre élévation est toujours une illusion. Il peut nous retenir pendant que nous sommes faibles, mais si nous devenons dépendants de cela nous nous affaiblissons davantage.
Donc, la réponse à ceux qui demandent s’ils peuvent créer un Groupe autour du Processus de La Présence est par conséquent « Non ». Bien sûr, nous ne pouvons éviter que de tels regroupements se mettent en place ; ceux qui sont encore dépendants de la mentalité-de-groupe imposeront leur volonté à tous ceux qui croiseront leur chemin. Ils défendront également farouchement leur ‘mentalité-de-groupe-chenille’ face à tout ‘discours-libérateur-papillon’. Nous devons leur en être reconnaissants car ils permettent aux groupes de servir de radeaux de survie pour ceux qui sont en train de se noyer.
Le dessein du Processus de La Présence est un paradoxe en ce sens qu’il nous libère de notre dépendance à la mentalité-de-groupe tout en nous encourageant à consciemment reconnaître, embrasser et nous engager dans notre groupe de manière authentique. Il nous invite à « œuvrer à notre propre libération en travaillant au sein du groupe dans lequel nous nous trouvons à tout moment ».
Notre famille de naissance est notre groupe.
Notre compagnon et amant est notre groupe.
Nos enfants sont notre groupe.
Nos animaux de compagnie et nos plantes sont notre groupe.
Le caissier du magasin fait partie de notre groupe.
Nos collaborateurs professionnels et nos clients sont notre groupe.
Tout être humain avec lequel nous communiquons quotidiennement fait partie de notre véritable groupe.
Sommes-nous capables d’être en union avec tous ces êtres humains?
Sommes-nous capables de rester dans le silence intérieur et la tranquillité lorsque nous les rencontrons ?
Sommes-nous assez courageux pour gérer l’inconfort émotionnel déclenché lorsque nous les laissons entrer dans notre espace-temps personnel ?
Pouvons-nous les intégrer dans nos vies aussi pleinement que possible en reconnaissant la valeur de leurs contributions dans notre voyage éternel ?
Ou ne pouvons-nous vraiment interagir aisément qu’avec des personnes qui fonctionnent dans des situations soigneusement fabriquées, contrôlées et sédatives ?
Sommes-nous uniquement intéressés à œuvrer à notre libération avec des personnes ayant les mêmes idées que nous, avec celles qui sont généralement d’accord avec nous et avec celles qui se rassemblent uniquement dans ce but précis?

L’authenticité, l’intégrité et l’intimité nous demandent davantage que de simplement grandir à travers une telle complaisance orchestrée.
La réalité est que nous sommes et avons toujours fait partie d’un groupe, celui qui fait partie de notre expérience quotidienne. C’est là que le véritable travail s’accomplit. C’est là que nous recueillons les précieux trésors de la Présence. C’est là que notre vie est confrontée aux possibilités infinies de pouvoir approfondir notre expérience personnelle authentique, intègre et intime, avec tout ce qui existe. C’est pourquoi nous n’avons pas besoin de former « un autre groupe », nous sommes sans cesse au sein de notre véritable groupe. Nous n’avons pas non plus besoin d’aller faire une quelconque retraite. Comment « une retraite » pourrait-elle nous aider à avancer ? Le calme et le silence nous suivent partout telle une ombre intérieure. Le calme et le silence sont l’essence de ce que nous sommes et ne sont pas déterminés par l’endroit où nous nous trouvons ou par les personnes que nous côtoyons.
Ce n’est que lorsque nous nous tenons aussi consciemment que possible dans le centre du groupe dans lequel la vie nous a placé et que nous faisons courageusement face à l’ampleur de chaque instant avec un cœur disposé à tout ressentir, que nous entrons dans une expérience de vie authentique. Cette approche est notre véritable plate-forme d’envol. 

Notre vie quotidienne est l’expérience intentionnellement destinée à nous permettre de déployer nos merveilleuses ailes de papillon. Former un groupe pour essayer de reproduire ce qui nous attend déjà au sein de notre expérience quotidienne, c’est comme mettre en scène une pièce de théâtre ; cela peut être profondément amusant, audacieux, plein d’esprit et spirituel voire très provocateur, mais il n’y a rien de vrai dans tout cela. Rien, de toute façon, qui vaille la peine qu’on en parle.

En conclusion…
Je ne recommande ni ne soutiens la création de « Groupes autour du Processus de La Présence », nulle part, ni par qui que ce soit, ni pour aucune raison. D’après mon expérience, les individus désireux de former un groupe autour du Processus de La Présence rassemblent inconsciemment d’autres personnes comme moyen d’éviter subtilement de faire face à leur état émotionnel non intégré en le projetant sur le monde extérieur. Les ‘Groupes’ sont l’une de nos plus grandes dépendances et sont également source de nombreuses formes déguisées et involontaires de ségrégation sur cette planète. 

Historiquement, les groupes se percevant eux-mêmes comme étant « spirituels » sont susceptibles d’être subtilement arrogants, ce qui immanquablement, enflamme une mentalité-religieuse et mène systématiquement au conflit.
La nature du nettoyage du corps émotionnel et le fait de s’éveiller consciemment à celui-ci permettent finalement un ajustement entraînant une transformation intérieure authentique qui n’est possible que lorsque initiée par soi-même et pour soi-même. Dans Le Processus de La Présence nous ‘faisons à nous-mêmes ce que nous voudrions que les autres nous fassent’.
Lorsque nous nous en remettons illusoirement à ‘un groupe’ comme moyen d’accomplir cet ajustement interne, nous agissons ainsi parce que cela correspond toujours précisément à la partie en nous qui rencontre des difficultés pour grandir de façon authentique et durable.

Je n’ai aucun problème avec les « groupes » en soi car ils sont nécessaires au vu de divers paramètres de l’expérience humaine. Ils sont par exemple un très bon moyen de pouvoir appréhender la nécessité d’une croissance émotionnelle. Cependant, ils ne sont pas utiles dans le voyage expérimental du Processus de La Présence. Le Processus de La Présence est « un outil autonome d’auto-facilitation ». Pour cette raison il ne peut convenir à tout le monde ; il ne peut correspondre qu’à ceux qui cherchent à grandir de manière authentique et qui ont la capacité de réaliser une telle exploration émotionnelle sans recours à un soutien extérieur. Le Processus de La Présence convient à ceux qui cherchent véritablement à s’appuyer sur la force de leur propre cœur plutôt que de trouver un autre moyen déguisé de s’appuyer sur le monde extérieur.
J’ai conscience que des personnes ont formé des groupes autour du Processus de La Présence dans différentes parties du monde. Je ne vais pas suggérer de manière réactive de les supprimer. Ceux qui les ont formés ainsi que ceux qui en sont devenus membres ont de manière évidente quelque chose d’important à réaliser à partir de cette expérience. 

L’une des leçons s’avèrera être la suivante : En raison de l’authenticité du travail pouvant être réalisé avec le Processus de la Présence, tous les groupes formés autour de ce processus d’expérimentation seront inévitablement démantelés par l’éveil de la guidance intérieure de personnes qui en font partie : la guidance intérieure ne nécessitant aucun système de soutien externe pour valider l’authenticité de leur expérience. Une fois que l’éveil d’un individu se produit véritablement, automatiquement la structure du groupe se révèle elle-même comme étant une coquille vide ne supportant que les programmes externes conduits par l’ego.
Michael Brown © 
Traduction française : Linda P. Steketee- Traduction révisée 2012
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