Lars Van de Goor |
Des côtés sombres, nous en avons tous.
Par quelle
alchimie peut-on parvenir à les mettre en lumière et les métaboliser en une
énergie constructive, plutôt que destructrice ?
Accueillir
Égoïsme, jalousie, timidité, agressivité, trop ceci, pas assez cela…
Ce qui
mijote en nous n’est pas toujours de notre goût. Parfois au contraire, nos
forces sombres semblent nous satisfaire, nous aimons nous y complaire. Faut-il
les réprimer, de peur de ne plus être aimé, ou bien leur céder, en les laissant
nous définir ?
Pour la thérapeute psychocorporelle Caroline Jeannet, la clé est
d’abord « d’accueillir ce qui est là », sans jugement, mais sans se
laisser emporter.
Vous êtes en colère ? « Ah ! Je suis en colère. » Vous détestez telle
personne ? « O.K., j’éprouve de la haine. » Une remarque vous blesse ?
Notez la tension qui se crée dans votre corps. Est-elle nécessaire, maintenant
? Que pouvez-vous faire pour y remédier ?
Respirer, vous masser le ventre ou
les mains, relativiser... Traquez vos réactions avec curiosité, arrêtez de les
estampiller « négatives », comprenez qu’elles sont simplement le fruit de
circonstances, qu’il n’y a pas la vilaine ombre d’un côté et la belle lumière
de l’autre : chacune a le pouvoir de faire de vous un être complet.
« Si
nous nions notre peur, nous minimisons notre courage. Si nous nions notre
cupidité, nous réduisons d’autant notre générosité », note Debbie Ford.
Plutôt que de les « mettre sous le tapis », reconnaissez leur existence ; c’est
déjà un moyen de les dompter, d’éviter qu’elles vous rongent de l’intérieur ou
vous explosent brutalement à la tête. Ayez envie de les débusquer, relevez le
défi d’agir sur ces ombres plutôt qu’elles agissent sur vous.
Comprendre
Une fois ces ombres repérées, « identifiez leurs fonctions, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles elles sont là », indique Caroline Jeannet.
Car loin
d’être des démons intérieurs auxquels on ne peut échapper, ce sont des «
dragons protecteurs » mis en place dans l’enfance, en réaction à certaines
expériences blessantes : soumission ou agressivité édifiée pour survivre dans
un milieu violent, façade dure pour masquer une hypersensibilité…
L’ombre est une part de notre identité construite dans des moments de
difficulté. Normaux pour un enfant, ces mécanismes n’ont très souvent plus lieu
d’être à l’âge adulte. Assumez la responsabilité de chercher à les comprendre,
de ne plus vous cacher derrière. « En contactant la souffrance de l’enfant,
vous donnez du sens et de l’empathie à l’attitude qu’elle a engendrée », et
commencez à la déconstruire.
Prenez aussi conscience de vos stratégies de
défense.
Êtes-vous dans le déni total de vos parts sombres, ou plutôt dans le
reniement – vous les connaissez mais les rejetez ?
Êtes-vous dans la
projection, le rejet de la responsabilité sur l’autre, ou dans une
identification à 100 % à vos ombres, au point de vous dire : « Je suis nul,
je ne vaux rien » ou de passer à l’acte, en devenant le jouet de votre
Mister Hyde ?
Observez également comment votre comportement change en fonction
de votre degré de fatigue ou du contexte social. Vous êtes timide, mais sur une
scène de théâtre, vous vous galvanisez et osez tout ?
Vous êtes plus vaste que
vous ne l’imaginez, alors cessez de vous conformer à l’image que vous vous êtes
forgée de vous-même.
Explorer
Fermez les yeux, détendez-vous, accédez à un état favorable à l’ouverture de conscience. En « héros courageux », posez l’intention de plonger dans « l’énergie de vos ombres pour voir ce qu’elle révèle », conseille le thérapeute psychocorporel Félix Haubold.
Listez les défauts que vous détestez
et les mots qui vous blessent : leur charge émotionnelle est révélatrice.
Quelles
sont les 5 choses que vous n’aimeriez pas qu’on écrive à votre propos ?
Notez
aussi celles qu’on pourrait dire sans que cela vous touche. « Ne sont-elles
pas toutes des vérités ? », suggère Debbie Ford.
Réfléchissez : quelles
sont les croyances qui dirigent votre vie ? Comment sont-elles nées, sous
l’influence de quelles personnes ou de quelles circonstances ?
De quoi vous
protégez-vous (et vous privez-vous) en les perpétuant ?
Essayez d’identifier
l’événement originel, afin de le dépasser et d’ouvrir la cage à la partie de
vous qui s’y est cristallisée. Si c’est difficile, n’hésitez pas à vous faire
accompagner.
Traquez aussi les comportements qui vous agacent ou vous interpellent chez les
autres : ils sont souvent le miroir de ce qu’on refuse de voir en soi.
Pourquoi
vous perturbent-ils ? A quoi réagissez-vous ? Dans quelles situations avez-vous
fait preuve d’une attitude similaire ?
Petit à petit, vous commencerez à
percevoir en vous un microcosme entier.
Impossible dès lors de morceler, de
porter des jugements péremptoires…
Embrassez vos peurs, acceptez votre
vulnérabilité, prenez le risque de vous ouvrir, de vous découvrir. Aussi
déstabilisante qu’elle paraisse, cette mise en mouvement – comme la mise en
mots de ce que vous ressentez – fera sauter vos carcans.
Métamorphoser
S’amorce alors « un processus alchimique », dit Caroline Jeannet.
Prenez
Milarepa ou Gandhi : à force de persévérance, ils sont parvenus à transmuter
l’énergie de l’humiliation et de la vengeance liée à leur histoire personnelle,
en une force d’amour et de paix.
Dotez vos parts d’ombre de personnalités :
Mathilde la timide, Gaspard le vantard… Imaginez leur physionomie, leur façon
de parler, de se comporter. Elles vous seront d’emblée plus sympathiques !
Demandez-leur ce qu’elles ont à vous apprendre, de quoi elles ont besoin. La
moutarde vous monte au nez ? Dites-vous : « Voilà Jojo le coléreux ! »
Vous n’osez pas donner votre avis ? « Revoici Louise la soumise ! »
Cette mise à distance est opérante ; vous commencerez
à devenir spectateur de vous-même, à percevoir vos ficelles, à vous en dégager.
Si l’émotion est trop forte, écrivez-la, peignez-la « pour engager le corps, la créativité et le plaisir », explique
Caroline Jeannet – ou, comme le propose Debbie Ford, tapez sur des coussins !
Au bout d’un moment, la charge émotionnelle se tarira, ou une facette plus
profonde de cet aspect de votre personnalité se révélera, qui vous éclairera
peut-être sur son origine.
Puis cherchez les qualités de chacune de vos
sous-personnalités. « L’agressivité,
par exemple, recèle une puissance », indique Caroline Jeannet.
Aller reconnaître la force nichée à ces endroits permet à celui qui parvient à
canaliser cette part de lui-même de la récupérer et de l’utiliser.
L’ombre peut
être l’expression excessive d’une qualité, alors « baissez un peu le volume », conseille Debbie Ford, mettez-y de
la souplesse et du cœur, vous en percevrez le potentiel.
Et reprenez le pouvoir
en imaginant une interprétation constructive de la raison pour laquelle cette
ombre a émergé. Ainsi, Debbie Ford confie avoir longtemps eu un problème avec
la laideur parce que son père, lorsqu’elle était enfant, l’appelait « face de
souris ». Cette perception l’a minée, jusqu’à ce qu’elle décide de confronter
l’humiliation et de la convertir : ces mots n’étaient-ils pas un signe
d’affection, un moyen de la préparer à la rudesse du monde réel ?
Intégrer
Tout se joue ensuite au quotidien. « Les nouveaux chemins, pour être efficaces, doivent s’ancrer organiquement dans la tête et le corps », explique Félix Haubold. Créez-vous « des temps et des espaces » où vous immerger dans le plaisir de voir, de percevoir, de vous sentir vivant : vous faire couler un bain, partager la compagnie d’êtres aimés, sentir votre respiration s’ouvrir au gré d’un massage ou une larme couler à la lecture d’un roman, vous ménager un moment de silence le matin, en posture de méditation ou en sirotant votre thé…
« Il n’y
a pas de recette », à chacun de trouver sa manière de se
ressourcer, de se découvrir là, présent, complet.
Puis reconnectez-vous régulièrement à cet état de conscience, car « nos parts d’ombre évoluent en permanence », rappelle Caroline Jeannet.
Puis reconnectez-vous régulièrement à cet état de conscience, car « nos parts d’ombre évoluent en permanence », rappelle Caroline Jeannet.
Petit à petit, cette « proximité à soi » permet de
mieux réagir aux aléas, de ne plus chercher à être « parfait » – ce qui reste
la conformité à une norme – mais intègre, en pleine cohérence par rapport à
soi, aux autres, aux circonstances.
Dans cette unité, un étrange processus se
met en place. Voyez comment votre justesse transpire dans chacune de vos attitudes,
comment cette fluidité permet à l’entièreté de votre être de s’exprimer, sans
crispation ni heurt. Alors vous rayonnez, sans même chercher la lumière.
La part d'ombre du chercheur de lumière, Debbie
Ford
Éditions J'ai Lu (Octobre 2010 ; 249 pages)
Éditions J'ai Lu (Octobre 2010 ; 249 pages)
Article rédigé par Réjane Ereau pour Inrees.com http://www.inrees.com