J’ai
éclaté en sanglot d’un seul coup à la seule pensée que tout ce que je vivais maintenant
était tout à fait « normal », juste et légitime. J’ai maintenant une énorme
compassion pour cette part de moi qui est dépendante de cachets parce qu’elle
est l’expression de ma volonté de continuer de vivre et d’aimer, de croire à l’amour,
malgré les nombreuses souffrances vécues, jamais vraiment reconnues, enfin
accueillies. J’ai commencé par remarquer que je passais beaucoup plus de temps
à réfléchir, lire, écrire, surfer sur Internet, qu’à prendre soin de l’aspect
physique et matériel du quotidien. Puis, d’un coup, au lieu de me critiquer
comme je le fais habituellement, je me suis souvenue que c’est ce qui m’avait « sauvé »
la vie enfant, que c’est grâce à mon mental, à cette capacité de vivre une autre
réalité, à m'inventer mon propre monde, de construire ma personnalité par le sens
critique, la réflexion, les convictions nées du ressenti intérieur, bref, tout
ce vécu intérieur m’a permis et continue de me maintenir en vie en ayant de la
joie et de l’espoir. Les médicaments m’aident à m’incarner, à apprécier de vivre
dans ce corps autrefois malmené puis détesté et cet état de bien-être me permet de trouver l’élan
d’agir à partir de l’amour de soi, que je cultive sur tous les plans.
Tant que
je critiquais ce fait, tant que je voulais m’en débarrasser comme d’un fléau,
comme quelque chose qui m’empêchait d’exprimer ce que je suis vraiment, je ne pouvais
pas en même temps, mesurer l’importance de ce geste qui me permet de réapprendre
ou même d’apprendre à vivre dans mon corps physique en m’y sentant bien.
Finalement
je n’ai jamais vraiment habité mon corps. Ce sont des choses auxquelles j’avais
déjà pensé mais dès que ça venait, je ne voyais que l’aspect négatif, je
jugeais mon incapacité à prendre une décision ferme, mon manque de courage d’oser
arrêter d’en prendre...mais ça n'augmentait pas l'amour de soi, au contraire!
Lucy Campbell |
Un
conflit naissait entre la voix de ma raison et celle de l’enfant intérieur
blessé. A cela s’ajoutaient les critiques de ma mère qui ne comprenait pas
pourquoi je n’arrivais pas à me libérer du passé, puis celles de la société qui
rejette tous ceux qui ne sont pas compétitifs, productifs, tous ceux qu’elle
considère comme faibles. D’ailleurs, le regard de ma mère change à mesure que
mon propre regard évolue, devient plus tendre pour cette « faiblesse ».
Elle a lu le témoignage d’une journaliste qui a vécu l’inceste à peu près dans
les mêmes circonstances que moi, et elle a pu en avoir un aperçu plus neutre
puisque détaché au niveau affectif. Apparemment, ça a porté ses fruits parce
que je l’ai senti beaucoup moins critique, exigeante, à mon égard.
Au besoin de m'isoler de ma propre famille, s'est ajouté celui de me protéger aussi de la réalité du monde, une fois adulte et c'est grâce à mon corps mental, aux drogues, que j'ai tenu le coup!
L’auto-critique
continuait à la lecture des messages qui prônent le respect de soi, le pouvoir
de changer par l’intention, la visualisation, sans tenir compte du fait qu’en
disant ces choses, même en mettant en avant que nous sommes divins donc
omnipotent, pour celui qui est déjà dans l’auto-jugement, ça ne fait qu'amplifier sa douleur.
Bien sûr que l’amour de soi libère mais il faut s’entendre sur ce que c’est en
réalité, la véritable façon de s’aimer. La puissance de l’intention est mise en avant comme une évidence;
la force de volonté serait La solution. Enfin ce ne sont pas ces termes qui sont
employés, on parlera de détermination mais au final, pour celui qui n’y arrive
pas, ça ne fait que renforcer sa haine envers lui-même, son impuissance.
Par
expérience je peux constater que seul l'amour, le vrai, peut effectivement
amener à reconnaître autant la personnalité que le divin en soi. Tous ceux qui
disent que le mental est un saboteur, un ennemi, quelque chose d’inférieur ne
se rendent pas compte que c’est un corps qui permet de faire le lien entre le cœur
et le corps physique, entre l’humain et le divin et que ça n’est pas en le
considérant avec mépris que les choses peuvent s’arranger.
Notre « petite
personnalité » humaine, comme disent certains, nous relie à la vie, nous
permet de nous préserver des souffrances et même si elle ne le fait pas
toujours comme le préconise ceux qui n’ont apparemment aucune idée de ce que
veut réellement dire souffrir ou qui refoulent leur propres douleurs, elle
permet tout de même de maintenir en vie, même si c’est en mode survie.
Le seul
discours qui peut délivrer des souffrances et même de toutes croyances qui
poussent à se déprécier, c’est celui de l’amour vrai, de l’acceptation de tout
ce qui est. Accepter cette part qui souffre et lui permettre de s’entendre avec
l’autre part qui nous maintient debout, ne se réalise que par un regard
bienveillant sur tout ce que nous sommes.
C’est un
processus qui demande juste d’avoir de la compassion pour soi-même, d’embrasser
tous les personnages en soi, de cesser toute critique et d’accueillir avec
tendresse tant la souffrance que l’exigence, la tristesse que la colère qui en
découle...
Pia Imbar |
Tant qu’on
n’arrive pas à considérer que tout est Parfait en soi, on ne peut avoir cette
compassion Parfaite. Mais comme je l’ai dit hier, il ne s’agit pas de
perfection au sens de vouloir changer, de se conformer à une image, à un
personnage que l’on considère comme un modèle, selon les critères de la société et
encore moins selon nos propres critères de perfection.
La
perfection c’est reconnaître ce que nous sommes en totalité, du plus dense au
plus subtil, du plus « bas » au plus « élevé » et voir
finalement que ce tout forme un ensemble, une unité parfaite.
Concrètement,
ça veut dire de ne pas juger ses faiblesses et même de les chérir, de cesse de
vouloir être ci ou ça mais juste être soi-même. D’accepter sans culpabilité, d’être
stupide, ignorant, laid, démotivé, déprimé..., puisque nous sommes aussi totalement
l’inverse de cela.
Nous
sommes si complets et multiples que nous pouvons passer de la tristesse aux
larmes en quelques secondes. Tant qu’on n’accepte pas ce qui est dans l’instant,
on nourrit le conflit, le non amour mais quand on se laisse aller à incarner pleinement tout
ce que le moment nous fait vivre, la paix et la joie s’installent en arrière
plan, la confiance que rien n’est figé, que tout passe, meurt et renait en l’espace
d’un instant. Accepter tous ces aspects permet de s’en détacher tout en aimant
chacun d’eux. Il n’y a plus de préférence il y a juste le moment présent, qui
se situe entre deux moments présents et ainsi de suite.
En reconnaissant et en
aimant sincèrement tous ces aspects tellement différents, je fini par me sentir
en accord avec moi-même et l’envie d’incarner tout ce que je suis, remplace le
besoin de fuir.
Il m’a
fallu d’abord étudier intellectuellement ce concept d’acceptation puis vivre
concrètement l’accueil des émotions, sans retenue, pour qu’enfin, toutes les
émotions refoulées puissent se manifester et être réellement traitées. Même
quand l’idée me semblait juste, j’avais encore des réticences, des préférences mais
en jouant le jeu, en lâchant prise des attentes, des exigences, en cessant de m’en
demander trop, en me laissant aller à être tout ce que je suis, sans aucune retenue,
en m’accordant la même compassion que celle que j’offre aux autres, sans douter
de ma légitimité à la recevoir, je m’allège vraiment.
Je le sens dans mon cœur dans
mon corps. Les larmes qui ont coulé spontanément et cette fois-ci sans interruption, ont remplacé les critiques et
c’est le signe que je m’autorise enfin à aimer tout ce que je suis.
Il fallait bien
que toute la tristesse accumulée au fil des années puisse trouver une porte de
sortie. La raison et même ma foi au divin intérieur ne pouvait pas réaliser cet
accueil à la place de ma présence.
Lydia Féliz |
Je faisais l’exercice intellectuellement,
comme un entrainement et quand une émotion arrivait, elle repartait rapidement.
Je croyais qu’elle était libérée mais en fait elle retournait dans sa cachette. C’est
vrai qu’un soulagement était ressenti par mon désir d’accueillir mais ça n’était
pas complet. Le seul fait d’avoir dit à mon enfant intérieur ; « pleure,
tu as tout à fait le droit, je te comprends, je te serre dans mes bras »,
d’avoir senti sa profonde douleur et de l’avoir laissé s’exprimer au travers de
mon corps physique, de l’avoir autorisé à le faire librement, sans retenue, je
crois que c’est ce qui a permis une grande libération. Le mental, le cœur, le
corps physique et l’émotion étaient alignés sur la même intention, la même
fréquence.
Une fois
ces mots prononcés, la pensée s’est arrêtée comme pour laisser la place à l’enfant.
Je pense aussi que ce qui a rendu l’expérience efficace, c’est de ne pas avoir
tenu compte de l’extérieur, pour une fois, mon mental n’a pas joué les
reporters. Ce moment n’a pas duré longtemps mais cet accueil entier de l’émotion,
le fait de lui laisser toute la place, sans autre pensée que la compassion, l’amour
sincère pour cette part de moi à laquelle je ne m’identifiais pas, sans pour autant la
sentir étrangère, a été très libérateur.
Cette
nuit, j’ai rêvé que je retournais dans le premier village que j’ai habité en
arrivant dans la région. J’y ai vu beaucoup de gens que j’avais rencontrés à l’époque
et ils avaient évidemment tous grandit, évolué. Chacun selon sa foi, sa
personnalité. Je revenais comme « triomphante », je me sentais
libérée du passé de toutes les expériences douloureuses vécues alors. C’est
comme si ce rêve avait sorti ces ombres du passé afin qu’elles soient traitées
aujourd’hui, dans la chair. Pour que toute la charge énergétique puisse s’exprimer
à travers les émotions, par leur accueil inconditionnel !
Il est
déjà midi ! Je n’ai encore rien fait à manger, je ne sais même pas ce que
je vais préparer, ça sera la surprise ! Heureusement que j’ai cuisiné hier
enfin que j’ai suivi mon envie de préparer quelques plats comme la purée de châtaignes.
Deux heures de préparation entre les deux épluchages et la cuisson, il faut
aimer ça ! Je suis plutôt gourmande et c’est une chose que je ne rejette
pas puisque j’ai trop privé mon corps physique de nourriture. Je vais quand même
aller m’allonger avant, pour récupérer un peu d’énergie, je suis vidée !